Poutine son cuisinier et la préparation des élections de 2024
Cet « épisode de 24 heures » n'est ce pas une mise en scène avant le « début de la campagne électorale de Poutine pour être réélu le 17 mars 2024
Bassam Tayara
Il est vrai que l’Histoire ne se répète pas, mais à constater que l’Histoire baille !
La rébellion armée du commandant du groupe militaire privé russe « Wagner », Evgueni Prigojine, a rebattu les cartes mais surtout les cartes à l’intérieur de la « Maison Russie » dans un scénario qui ressemble à plusieurs du passé de ce grand pays.
Vladimir Poutine, a dû faire face à une rébellion interne sans précédent depuis plus les trois décennies qui les a passées sous la coupe du Kremlin.
Historiquement, la Russie a toujours été confrontée pendant les guerres qu’elle a menées de rébellions internes du côté de ses armées, de protestations et ou des grèves créant des mouvements chaotiques.
Le tsar russe Alexandre II a été assassiné en 1881 par l’organisation terroriste Narodnaïa Volia ( Volonté du Peuple ) qui fut responsable de plusieurs attentats.
Des troubles ont eu lieu pendant la guerre russo-japonaise de 1904 et 1905. Le tsar Nicolas II voulant continuer à se battre mais suite à l’anéantissement de la flotte russe durant la bataille de Tsushima en mai 1905 qu’il prit enfin la décision de négocier la paix. À Saint Petersbourg, des soldats de l’armée impériale avaient attaqué des manifestants non-armés lors du « Dimanche Rouge », ce qui avait provoqué des grèves et des révoltes partout dans le pays.
Pendant la Première Guerre mondiale, lorsque le général Lavar Kornilov a mené une tentative de coup d’État ratée sous le règne du gouvernement provisoire d’Alexandre Kerensky en 1917, sous prétexte que ce dernier était sous influence des Bolcheviks » !
En août 1991, des communistes conservateurs, menés par le vice-président Gennady Yanayev, tentent un coup d’État contre leur président, Mikhaïl Gorbatchev, qui est en vacances en Crimée, et l’y emprisonnent, déclarant qu’il ne peut plus exercer ses pouvoirs pour des raisons de santé. Mais le président russe Boris Eltsine est descendu dans les rues de la capitale, Moscou, à la tête d’une manifestation à laquelle des milliers de ses partisans ont participé devant le Parlement, faisant avorter cette tentative, qui était soutenue par le « KGB ». Cette tentative de coup d’État était la dernière tentative pour stoper la dissolution de l’Union soviétique, et fut suivie par la déclaration du 8 décembre 1991: « l’Union soviétique n’existe plus ». On connait la suite le 25 décembre, Gorbatchev démissionne.
Cette fois-ci en pleine guerre c’est un « cuisinier » qui se rebelle contre le maître du Kremlin.
Evgueni Prigojine (62 ans) est un ancien prisonnier de Saint-Pétersbourg. Il est parti de rien pour devenir propriétaire d’une chaîne de restaurants qui fournissent des repas au Kremlin!
Suite à l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, et avec la bénédiction de Poutine lui-même, le groupe paramilitaire russe « Wagner » a été formé, pour assumer les missions étrangères en Syrie, après l’intervention militaire russe au Moyen-Orient en 2015.
En imitant le groupe de mercenaires américains « Black Water », ce groupe, mis sur la liste des organisations terroristes, protège les intérêts de la Russie dans un certain nombre de pays où le Kremlin ne veut pas s’impliquer militairement, comme la Libye, le Mali, le Burkina Faso, et dans l’Ouest du Soudan et en l’Afrique centrale.
Quand l’invasion de l’Ukraine éclate le 22 évrier 2022, il a donc été demandé de l’aide à ces combattants du groupe Wagner formés aux guerres de rue, pour prendre d’assaut les villes à l’Est de l’Ukraine notamment Bakhmut, où les combats ont duré dix mois, jusqu’à leur chute en mai dernier.
Mais depuis cette date un autre type de combat a éclaté entre Prigojine et les hauts gradés de l’armée russe. Le commandant de « Wagner », dans des vidéos enregistrées de la ligne de front, n’a pas arrêté d’insulter le ministre de la Défense, le général Sergei Shoïgu, et le chef d’état-major interarmées, le général Valery Gerasimov, les accusant de « trahison » et de « tromperie». D’après ses dires ils se sont abstenus dans les dernières semaines des combats, de lui fournir des munitions ce qui a augmenté les pertes dans les rangs de ses hommes. Et il a menacé à plusieurs reprises de se retirer et de quitter les lignes de front du front, insinuant que l’armée ukrainienne peut y revenir. Mais la principale demande de Prigojine était le limogeage de Choïgu et Gerasimov.
L’homme aspirait-il à prendre leur place ? Très probablement.
C’était au plus fort des batailles de Bakhmut, Poutine cherchait à tout prix une victoire sur le terrain à Bakhmut pour redonner un peu de moral à l’armée russe après les déboires de l’été, alors il n’a pas pris de position décisive sur le différend qui oppose Prigojine aux gradés de son armée Shoïgu et Gerasimov.
En faisant, Poutine imitait Staline qui jouait sur la rivalité entre son ministre de la Défense, le maréchal Georgi Zhukov, et le commandant de l’armée soviétique, le maréchal Ivan Konev pendant la Seconde Guerre mondiale, afin d’affaiblir les deux et garder le contrôle de la direction militaire.
Jusqu’au soir du samedi 24 on aurait pu croire que la manœuvre de Poutine a échoué et que la gestion de la concurrence entre l’armée et ses dirigeants d’une part, et le groupe « Wagner » d’autre part, s’est terminée d’une manière catastrophique pour le président russe.
La fin de cette révolte qui s’apprête à une révolution de palais, malgré le déplacement des hordes de Wagner jusqu’à Rostov, paraît très « tirée par les cheveux »!
Poutine a joué et nous ne pouvons pas dire qu’il a gagné et neutralisant Prigojine par l’entremise du président biélorusse, Alexandre Loukachenko, que Vladimir Poutine a remercié pour « le travail accompli ».
L’accord convenu entre la présidence russe et Prigojine, comme l’a a affirmé dans la soirée du 24 le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov: préconise que le chef de Wagner va ainsi « partir » pour la Biélorussie et les poursuites contre lui vont être abandonnées.
Cela ne peut constituer qu’un aveu de faiblesse de Poutine.
Il avoue de manière indirecte que son armée ne peut rien contre cette milice formée de prisonniers condamnés à de lourdes peines, qui ont destinées à acheté leur liberté et nettoyé leur casier judiciaire, en combattant sur les fronts les plus chauds. (Les rapports occidentaux notent que la milice Wagner a perdu jusqu’à 30 000 hommes rien qu’à Bakhmut, sur un total de membres du groupe variaient entre 50 000 et 70 000. De plus ces milices ont d’énormes capacités financières à leurs services en Afrique).
Mais des analystes occidentaux sont dubitatifs devant cet « épisode de 24 heures » et d’aucun dénonce une mise en scène avant le « début de la campagne électorale de Poutine pour être réélu le 17 mars 2024 ».
Son « cuisinier Prigojine » lance un faux coup d’État pour accuser Gerasimov et Choïgou d’avoir perdu la guerre contre l’Ukraine. Prigogine peut paraître avoir échouer il sera le bouc émissaire, aucun candidat concurrent ne pourra se présenter contre le « Tsar Poutine ».
Excellent Back-Ground, qui permet de mieux comprendre la portée de la rébellion Prigogine. Merci Bassam !!!