Alibaba sera la prochaine cible de Trump
Après une série de mesures de répression contre les entreprises de technologie chinoises, le président américain Donald Trump a indiqué le 15 août qu’il pourrait cibler l’une des plus grandes entreprises de commerce électronique au monde, le groupe Alibaba, basé en Chine. Selon les analystes chinois, c’est une nouvelle initiative motivée par la politique intérieure américaine qui portera un coup à court terme aux entreprises chinoises mais qui en fait aura un impact limité à long terme.
La société, dont le siège est à Hangzhou, capitale de la province du Zhejiang (est de la Chine), génère la grande majorité de ses revenus du secteur en plein essor à partir du commerce électronique national, alors que sa présence aux États-Unis est relativement faible, ont noté les experts, qui ont averti que, motivé par sa politique électorale, le président américain tentera quand même probablement de restreindre le développement d’Alibaba dans le domaine de l’informatique en nuage et des puces.
Lorsqu’on lui a demandé s’il envisageait d’exercer des pressions sur davantage d’entreprises chinoises telles qu’Alibaba lors d’une conférence de presse le 15 août (heure des États-Unis), Donald Trump a répondu que « nous examinons d’autres choses, oui ». On ne sait pas si le président américain, connu pour ses déclarations erratiques, parlait alors de plans concrets pour attaquer Alibaba ou répondait à une question apparemment suggestive d’un journaliste de Bloomberg.
Pourtant, les experts chinois ont souligné que, comme Donald Trump a placé sa candidature pour être réélu au-dessus de tout, une répression contre Alibaba est possible. D’après les experts, conformément à la stratégie à long terme des États-Unis pour contenir l’essor technologique de la Chine, le président américain pourrait prendre des mesures dans deux domaines où Alibaba progresse rapidement : l’informatique en nuage et les puces.
« Pour Trump, rien ne compte plus que sa réélection, donc, il fera tout ce qu’il jugera être propice à sa campagne … alors je pense que c’est possible [qu’il cible Alibaba] », a déclaré le 16 août au Global Times Liu Gang, directeur de l’Institut d’économie Nankai et économiste en chef à l’Institut chinois des stratégies de développement de l’intelligence artificielle de nouvelle génération.
En ce qui concerne les mesures spécifiques que les États-Unis pourraient prendre contre Alibaba, Liu Gang estime que Donald Trump pourrait cibler les services en nuage de la société et la recherche et le développement de puces en imposant des restrictions sur les échanges normaux et la coopération entre la société et ses homologues américains.
« Les États-Unis ne pourront pas toucher à la principale activité commerciale d’Alibaba … leur plus grande carte à jouer est de ralentir le rythme de l’innovation chinoise en matière de puces », a déclaré Liu Gang, ajoutant que même si un certain impact se ferait sentir dans ces domaines, « prendre des mesures politiques pour arrêter l’innovation ne fonctionnera pas ».
En effet, bien qu’Alibaba cherche à étendre sa présence aux États-Unis par le biais de ses plate-formes d’achat en ligne et de ses services en nuage, ses principaux revenus proviennent du marché chinois. Selon Forbes, au cours de l’exercice 2020, ses activités de commerce électronique en Chine, y compris la vente au détail en ligne, devraient représenter 65% du chiffre d’affaires total de l’entreprise. On estime en revanche que les revenus du commerce électronique international de la société chinoise, y compris ceux des États-Unis, ne représentent que 8% du total.
D’après Forbes, alors qu’Alibaba a investi massivement dans les services en nuage et a pris une part relativement importante sur le marché américain, le chiffre d’affaires total de son activité dans ce domaine ne devrait représenter qu’environ 8% de son chiffre d’affaires total.
« Parce que c’est de nature politique, il y aura un certain impact, mais l’impact ne sera pas trop grand car Alibaba a des activités très limitées aux États-Unis », a de son côté déclaré le 16 août au Global Times Fang Xingdong, fondateur de ChinaLabs, un groupe de réflexion technologique basé à Beijing. Selon M. Fang, les États-Unis pourraient décider d’empêcher les entreprises technologiques américaines de mener des transactions avec Alibaba, comme les mesures annoncées contre TikTok et WeChat de Tencent, ainsi que certains membres du personnel de recherche et développement de travailler pour Alibaba.
En plus de la technologie d’informatique en nuage, Alibaba a également investi massivement dans la recherche et le développement sur les puces via sa DAMO Academy, qui, selon les experts, obtient des percées importantes.
Par ailleurs, ont noté les experts, toute répression potentielle contre Alibaba pourrait également nuire aux intérêts américains plus qu’à la société chinoise elle-même, car de nombreuses entreprises américaines cherchent à vendre leurs produits et services sur les plate-formes d’achat en ligne d’Alibaba et de nombreux investisseurs américains détiennent des actions de la société à la Bourse de New York.
De plus, malgré les tensions croissantes, des marques américaines telles qu’Apple et Nike ont enregistré de bonnes performances lors du festival du shopping de la Journée des Célibataires sur Tmall d’Alibaba. Ainsi, selon les médias, les ventes d’Apple sur la plate-forme en 10 minutes ont dépassé sept fois les ventes d’une journée complète lors de la Journée des célibataires 2018, tandis que les ventes de Nike ont atteint 100 millions de yuans (14,39 millions de dollars) en une heure.
À la lumière de la pandémie de COVID-19, Alibaba a annoncé en juin qu’elle fournirait de nouveaux services de financement et d’expédition de fret pour les petites et moyennes entreprises aux États-Unis et lancerait des « salons » virtuels pour aider les fabricants et les grossistes basés aux États-Unis à vendre leurs produits sur sa plate-forme. Les salons en ligne américains d’Alibaba.com sont prévus du mardi au jeudi.
« Notre étude montre qu’Alibaba et [JD.com Inc, une autre société de commerce électronique chinoise] ont offert de nombreux services aux entreprises étrangères et les ont aidées… y compris en soutenant leurs ventes en Chine, donc sévir contre ces entreprises n’est pas favorable aux intérêts américains et fera plus de mal aux États-Unis », a noté Liu Gang.
Les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis ont aussi mis à mal un plan annoncé lors d’une réunion entre le fondateur d’Alibaba, Jack Ma Yun, et le président élu des États-Unis, Donald Trump, en janvier 2017, qui visait à aider à créer 1 million d’emplois aux États-Unis. Dans une interview accordée à l’agence de presse Xinhua en juin 2018, Jack Ma avait déclaré que la condition préalable au plan était une relation amicale et coopérative entre la Chine et les États-Unis, mais qu’elle était sapée et qu’« il n’y avait aucun moyen de tenir l’engagement »
Outre les ventes des entreprises américaines sur Alibaba, tout initiative potentielle des États-Unis pourrait également nuire aux investisseurs américains qui détiennent des actions Alibaba. Selon Yahoo Finance, à la date du 14 août, le plus grand actionnaire institutionnel d’Alibaba était la société américaine Blackrock et parmi les autres principaux actionnaires de la société chinoise figurent de nombreuses sociétés américaines telles que Vanguard Group, Price (T.Rowe) Associates et JP Morgan Chase.
Pourtant, ont déclaré des analystes, Donald Trump, qui semble chercher à tout prix à gagner sa réélection au milieu d’une réponse très critiquée à la pandémie de COVID-19 et à une grave crise économique, pourrait encore aller de l’avant avec des mesures de répression contre d’autres entreprises chinoises telles qu’Alibaba et Tencent.
« Contrer la montée en puissance de la Chine est une stratégie à long terme des Etats-Unis… tant de grandes entreprises technologiques chinoises sont définitivement dans la fourchette cible des Etats-Unis », a déclaré le 16 août au Global Times Liu Dingding, un analyste indépendant des sociétés de l’Internet, ajoutant que les dommages que les États-Unis pourraient exercer sur ces entreprises seront mineurs, étant donné leur présence limitée aux États-Unis et leur statut avancé dans leurs domaines. « Il n’est pas nécessaire d’accorder une attention particulière à la répression américaine », a-t-il noté.