Biden et la Chine: vers un conflit « soft »?

Une situation historique: une puissance dominante entre en guerre avec une puissance émergente?

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Bassam Tayara
L’équipe administrative choisi par Joe Biden, est la représentation typique de l’establishment américain. Cela indique s’il est nécessaire la poursuite de la politique étrangère américaine que beaucoup d’observateur, y compris parmi les alliés décrivent comme « impériale ».
Si on prend comme exemple le cas de la Chine, l’approche de Biden est la volonté de créer une large coalition dirigée par Washington pour affronter et contenir Pékin, contrairement à celle de Trump. Mais le but reste le même : contenir la Chine et lui couper ses ailes économiques.
Pour avoir une idée sur la politique générale que le président élu américain Biden, adoptera, il suffit de jeter un coup d’œil sur les profils des personnalités qu’il a choisies pour former son administration.
Prenons le ministre des Affaires étrangères ou le conseiller à la sécurité nationale ou bien le chef du renseignement, leur passage dans l’administration dans le passé a guidé le choix du nouveau Président. Ce sont des « experts l’État profond la de sécurité nationale » donc de cet establishment inamovible. Le prochain secrétaire d’État, Tony Blinken, démocrate il est mais il l’incarnation de ce filon d’experts tel que James Baker (à l’époque de Bush père) ou Condoleezza Rice (à l’époque de Bush junior).
Il a commencé son travail au Conseil de sécurité nationale en 1995 sous l’administration Clinton, puis est devenu conseiller à la sécurité. Nationaliste de l’ancien vice-président de Barack Obama, Joe Biden, entre 2009 et 2013, et puis conseiller adjoint à la sécurité nationale d’Obama lui-même, Susan Rice, entre 2013 et 2015.
Il en est de même pour Avril Haynes, la nouvelle directrice du renseignement national, qui a rejoint le Conseil national de sécurité, en 2010, avant d’occuper le poste de directrice adjointe du renseignement central entre 2013 et 2015, puis est revenue au conseil précité entre 2015 et 2017. Jake Sullivan, le conseiller désigné à la sécurité nationale, avait à son tour, remplacé Blinken en 2013 en tant que conseiller à la sécurité nationale de Biden sous Obama.
On peut comme de nombreux commentateurs occidentaux se réjouir d’une volonté de former une administration moderne de l’Amérique en termes de représentation des femmes et des minorités à l’opposé de celle Trump. Mais cela impacte uniquement une réelle différenciation au niveau de la politique interne, rien ne devrait changer en politique étrangère.
Cependant, cette équipe de la prochaine administration « diversifiée : multi-ethnique et multi-genre » est constituée par un noyau de spécialistes en politique étrangère représentant « l’État profond » ou ce qu’on désigne par l’establishment qui veille sur les intérêts supérieurs des États-Unis et ne fera que consolider la poursuite de sa politique étrangère… d’abord et avant tout à l’égard de la Chine.
Les États-Unis et la Chine sont-ils condamnés à aller vers un affrontement ? C’est ce que craint Graham Allison, professeur de sciences politiques à l’Université de Harvard et qui a publié en 2017, un essai intitulé : « Vers la guerre : L’Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide ? »  -Éditions Odile Jacob 2017- (Destined for War: Can America and China Escape Thucydides’s Trap?)
Ce livre décrit l’état des relations entre ces deux géants utilise le terme de « piège de Thucydide » qui est en matière de relations internationales, une situation historique qui voit une puissance dominante entrer en guerre avec une puissance émergente poussée par la peur que suscite chez la première le surgissement de la seconde.
Ce travail académique a suscité un large débat dans les États-Unis et le monde., et Allison n’hésite pas à mettre en garde des conséquences de d’une guerre entre les États-Unis et la Chine à cause de ce sentiment et de cette situation d’un couple de puissances « dominante-émergente ».
La Chine, de sa part, s’acharne à développer le projet « Route de la soie » pour contrecarrer la stratégie américaine d’encerclement et de blocus. Le prochain président américain n’a pas caché le durcissement de son approche envers la Chine dans toutes ses positions déclarées, et cela n’a pas été uniquement pour des motifs électoraux. Il cherche également à ramener la cohésion au camp occidental volée en éclat suite à la politique unilatéraliste de Trump.
Il faut se rappeler que Biden était le vice-président lors de la montée du slogan «se tourner vers l’Asie » qu’a préconisé Obama. Mais la nouvelle approche serait de constituer et défendre des positions communes aux alliés sous la bannière de la démocratie… talon d’Achille de Pékin.La quête de la démocratie peut devenir un concept idéologique portant un objectif géopolitique par excellence, tout comme les États-Unis invoquaient la lutte contre le communisme et l’influence soviétique.
C’est la une restauration de la rhétorique de la guerre froide qui sera présentée comme une bataille entre la démocratie et le totalitarisme.
Cette approche de Biden envers la Chine nécessite une large coalition contrairement à celle de Trump, sur la base de convergences idéologiques d’intérêts communs.
L’Europe grand marché pour les produits chinois de haute technologie doit être associée à ce projet. Le choix de Tony Blinken, pour le poste de Secrétaire d’État recherche cet objectif. Or l’Europe est très réceptive à cette approche il suffit de lire l’article conjoint des ministres des Affaires étrangères français et allemand dans « Le Monde » du 16 novembre, qui va dans le sens de ce rapprochement entre les deux rives de l’Atlantique voulu par cette nouvelle administration.
Les deux ministres ont estimé que «la Chine est un partenaire, un concurrent et un adversaire (…) qu’il faut s’unir pour faire face à son essor de manière pragmatique, tout en préservant des canaux qui permettent une coopération nécessaire dans les domaines où les défis sont globaux tels que la pandémie du Corona et le changement climatique… »
Or c’est exactement qu’a écrit Biden dans « Foreign policy » en février de l’an passé.  Biden a également déclaré, lors d’une conférence (en juillet 2020) devant le Hudson Institute, que Washington « … avec les alliés … notre coalition représentera presque 50 à 60% des exportations de la Chine (…) Pékin ne peut ignorer cette force…»
En d’autres termes la stratégie d’endiguement qui sera appliquée à la Chine serait moins brutale que celle poursuivie par l’administration Trump, et de manière différente à celle utilisée jadis contre l’Union soviétique mais contre un adversaire qui possède des capacités et une influence incomparablement plus grande que celle du défunte URSS.

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