En Chine Macron dans les pas de De Gaulle
Venu chercher à persuader Xi Jinping de prendre « la responsabilité partagée de la paix » et ... réactiver les relations franco-chinoises
Bassam Tayara
Le président français Emmanuel Macron, était arrivé à Pékin accompagné de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, et cela à un moment crucial, c’est le moins qu’on puisse dire.
La Présidente Tsai Ing-wen faisant le chemin inverse de celui de Nancy Pelosi, rencontrait le Speaker républicain Kevin McCarthy, ce qui provoqua l’ire de Pékin, et la poussa à entamer des exercices dans le détroit de Taïwan qui ressemblent plus à un simulacre d’« encerclement » de l’île.
Au même moment les Etats-Unis ont déployé un destroyer en mer de Chine méridionale.
Ces manœuvres passaient « au-dessus de la tête » du Président français, et de la présidente européenne.
Lui qui est venu chercher à persuader son homologue Xi Jinping de prendre « la responsabilité partagée de la paix » en Ukraine, se trouve en porte-à-faux avec ce message « dit de Paix ».
Macron voudrait également réactiver les relations franco-chinoises, du commerce à la culture, et épargner à son pays les contrecoups négatifs des positions hostiles de Washington et Bruxelles envers le plus grand partenaire commercial du Union européenne. Dans son escarcelle il y a vait des des promesses… mais accompagné par von der Leyen porte-parole des durs, donc des pressions et menaces se sont glissées dans le package.
Il a beau déclarer que « Pékin peut jouer un rôle central dans l’établissement (de la paix) en Ukraine » et demander à son homologue, Xi Jinping d’être profondément impliqué dans cet effort. Mais l’objectif du président français lors des rencontres de jeudi et vendredi avec Xi, n’est rien de moins que « relancer un partenariat stratégique et global avec la Chine ».
Évoquant le plan présenté par Pékin, en février dernier, pour arrêter la guerre en Ukraine, Macron a déclaré : « Sommes-nous d’accord avec tout dans le plan chinois ? Bien sûr que non ». Mais le simple fait de le relever montre une volonté claire de la part de Pékin de jouer un rôle responsable, et d’essayer d’ouvrir la voie à la paix. Il a ajouté : « Nous, les Européens, aurons tort si nous concédons à la Russie qu’elle sera le seul pays européen à traiter avec la Chine». Cela ne semble pas avoir « dérangé » les Chinois.
Ce qui a révolté les hôtes ce sont les déclarations « très atlantistes » de von der Leyen, et ils l’ont fait carrément savoir de façon très loin de la diplomatie.
D’après le journal Politico la réception de la présidente de la Commission européenne par la partie chinoise « a été très froide, tandis que le président français Emmanuel Macron a été chaleureusement accueilli ».
Le journal a noté que le ministre chinois de l’Environnement avait reçu von der Leyen ce qui est incompatible avec son rang de cheffe d’État.
Par contre le président français a rencontré à plusieurs reprises le dirigeant chinois Xi Jinping, tandis que Pékin ayant décidé de se distancier le plus possible de von der Leyen en raison de sa rhétorique typiquement anti-chinoise.
La presse européenne a confirmé que von der Leyen avait quitté le pays par un vol commercial, et a dû emprunter le couloir des passagers à l’aéroport, et non par la sortie VIP, et « humiliation diplomatique suprême son identité a été examinée » d’après la presse allemande.
Ursula von der Leyen avait déclaré, avant sa visite en Chine, que « Pékin devrait contribuer à faire pression pour une paix juste en Ukraine », ajoutant que « son rôle dans le conflit sera vital pour façonner les relations avec l’Union européenne ». Et d’ajouter « Tout plan de paix qui stabilise les annexions russes n’est tout simplement pas acceptable », a déclaré von der Leyen dans un discours à Bruxelles, expliquant que «la manière dont la Chine continue de gérer la guerre de Poutine sera un facteur déterminant pour l’avenir de ses relations avec l’UE ».
Le contraste fut saillant avec l’atmosphère de la visite de Macron. Mais l’hospitalité officielle avec laquelle il a été reçu ne signifie pas nécessairement qu’il a fait face à une tâche facile, en raison du scepticisme de ses hôtes chinois quant aux intentions américaines, et surtout de leur inquiétude face à l’hostilité « injustifiée » que les Européens manifestent à leur encontre pour plaire à la Maison Blanche, aussi, Ursula von der Leyen connue pour son extrémisme en faveur des politiques américaines, et n’a cessé de critiquer haut et fort Pékin et d’appeler les Européens à abandonner la dépendance « déséquilibrée » à son égard dans plusieurs domaines économiques et stratégiques.
Un responsable de la présidence française a admis que « la visite ne débouchera peut-être pas sur une percée immédiate », mais la France voit l’intérêt de « garder une ligne de communication avec la Chine » d’une manière qui puisse porter ses fruits ultérieurement lorsque la Russie et l’Ukraine sont prêts pour des pourparlers de paix.
Macron parie que les dirigeants de la Chine pourraient être désireux d’une certaine manière de l’investir, et de travailler avec lui pour mettre fin à la guerre en Ukraine, et éviter que les relations économiques avec l’Union européenne ne se détériorent.
Les Chinois pourraient suivre ce raisonnement, la condition serait que Paris ait un mandat clair des Américains et qu’ils doivent prendre les mesures appropriées pour sauver la face de la Russie. Ce que les Chinois « rêvent » c’est que Macron soit capable d’agir comme feu le président français, Charles de Gaulle, en toute indépendance stratégique vis-à-vis des souhaits américains.
Cette idée a dû trotter dans la tête du Président français puisque dans son dernier interview donné au quotidien Les Échos,, il insiste sur « l’autonomie stratégique de l’Europe », pour éviter que les États européens ne deviennent « des vassaux », pour que l’Europe soit « le troisième pôle » face aux États-Unis et à la Chine; Et de terminer « nous ne voulons pas entrer dans une logique de bloc à bloc ». Mais à remarquer que Macron glisse dans le sens des revendications chinoises (et russes) quand il s’élève contre « l’extraterritorialité du dollar ».