Ethiopie: Le Premier ministre éthiopien Abiy (Nobel de la Paix) à la tête de l’armée
Les Occidentaux appellent leurs ressortissants à quitter le pays
Presse-Net (AFP)
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed s’est rendu mercredi au front où il dirige la « contre-offensive » contre les rebelles venus de la région du Tigré, selon un média d’Etat, suscitant des appels internationaux à un cessez-le-feu dans cette guerre qui s’intensifie.
« Il n’y a pas de solution militaire au conflit en Ethiopie », a martelé mercredi soir un porte-parole du département d’État américain, exhortant les parties « à s’abstenir de toute rhétorique incendiaire et belliqueuse » et « à faire preuve de retenue ».
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en visite en Colombie, a lui lancé un « appel urgent » à un « cessez-le-feu immédiat et inconditionnel afin de sauver » le pays, après plus d’un an d’un conflit marqué par le spectre de la famine.
M. Abiy, prix Nobel de la paix 2019, « mène maintenant la contre-offensive » et « dirige le champ de bataille depuis hier », a rapporté Fana Broadcasting Corporate, affirmant qu’à Addis Abeba le vice-Premier ministre Demeke Mekonnen gère désormais les « affaires courantes ».
Il n’était pas possible de savoir exactement où se trouvait M. Abiy, un ancien opérateur radio de l’armée devenu lieutenant-colonel. Fana n’a pas diffusé d’images de lui sur le terrain.
De retour d’une nouvelle mission à Addis Abeba, l’émissaire américain pour la Corne de l’Afrique, Jeffrey Feltman, avait fait état mardi de « progrès naissants » en vue d’un règlement diplomatique du conflit. Mais il a prévenu que « l’escalade » militaire risquait de les rendre vains.
La guerre a démarré au Tigré en novembre 2020 lorsque M. Abiy y a envoyé l’armée fédérale afin d’en destituer les autorités, issues du Front de libération du Tigré (TPLF), qui défiaient son autorité et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires.
M. Abiy avait proclamé la victoire trois semaines plus tard, après la prise de la capitale régionale Mekele. Mais, en juin, le TPLF a repris l’essentiel du Tigré et poursuivi son offensive dans les régions voisines de l’Amhara et de l’Afar.
Cette semaine, le TPLF a affirmé contrôler Shewa Robit, à 220 km au nord-est d’Addis Abeba.
Mercredi, des centaines de nouvelles recrues de l’armée, incitées par M. Abiy à « rejoindre la campagne de survie » selon Fana, ont participé à une cérémonie à Addis Abeba.
Parmi ceux qui ont promis de se battre figure le marathonien et médaillé olympique Feyisa Lilesa, qui a déclaré que l’avancée des rebelles représentait une « grande opportunité » de défendre le pays. « Quand un pays est profané, c’est impossible pour moi de ne pas bouger et de juste regarder », a-t-il dit à un autre média officiel, Ethiopian BC.
Aux Jeux de Rio en 2016, M. Feyisa avait fait la Une en franchissant la ligne d’arrivée du marathon les bras levés et en croix – un geste de solidarité avec son peuple oromo, dont les manifestations contre le pouvoir, alors de longue date aux mains du TPLF, subissaient une forte répression.
Le gouvernement continue d’affirmer que la progression du TPLF est exagérée, dénonçant une couverture médiatique sensationnaliste et des recommandations sécuritaires d’ambassades jugées alarmistes.
L’ONU a exprimé mercredi son inquiétude après des informations faisant état de déplacements d e populations de grande ampleur dans l’ouest du Tigré, où Washington a déjà mis en garde contre un nettoyage ethnique.
Ces déplacements se feraient depuis une zone frontalière du Soudan et de l’Erythrée, a indiqué le Haut Commissariat aux réfugiés. Les autorités zonales du Tigré ont fait état de 8.000 nouvelles arrivées, pouvant même aller jusqu’à 20.000, mais ces chiffres n’ont pu être confirmés dans l’immédiat.
Faisant état d’une « détérioration » rapide de la situation. la France, l’Italie, l’Allemagne, l’Irlande et les Etats-Unis ont émis des appels à leurs ressortissants à quitter « immédiatement » l’Ethiopie. Washington, Londres et l’Union européenne ont également retiré leur personnel non-essentiel tandis que l’ONU va évacuer d’ici à jeudi les familles de ses employés internationaux.