La guerre russe en Ukraine change la face du monde
Une transformation en profondeur du courant de l’Histoire, et qui aura des répercussions sur tous les aspects de la vie pour les décennies à venir
Bassam Tayara
La guerre en Ukraine a de nombreuses répercussions, certains universitaires et chercheurs voient même la guerre russo-ukrainienne déclenchée par Vladimir Poutine un prélude à une transformation en profondeur du courant de l’Histoire, et qui a déjà des répercussions sur tous les aspects de la vie sur le « village-Terre » qui se ressentiront sur les décennies à venir.
Le coup de force de Poutine en envahissant son voisin ukrainien a provoqué des secousses et des répliques dans se monce globalisé.
En politique, il semble évident aujourd’hui que l’unipolaire américain a été brisée et a été remplacée par un pôle occidental dénoncé et mis en évidence par Poutine. Ce pôle occidental apparaît confronté à un pôle chinois très puissant mais réticent à établir une alliance avec un pôle russe émergent à nouveau mais qui patauge dans cette guerre au centre de l’Europe.
Dans le même temps, le processus de vote aux Nations unies pour dénoncer l’agression russe en Ukraine, que ce soit à l’Assemblée générale ou au Conseil de sécurité, a montré le début de l’émergence d’un « pôle neutre » composé des pays qui cherchent à protéger leurs intérêts et ne veulent pas se mouiller dans ce conflit Occident-Russie. Il faut aussi se tourner vers le « pôle indien » actuellement embourbé dans des conflits ethniquo-religieux internes.
Dans le domaine de l’énergie, on voit que la guerre russo-ukrainienne a accéléré un processus de transformation industrielle majeure, c’est-à-dire la fin de la dépendance totale aux énergies fossiles (gaz, pétrole et charbon). Un changement qui s’impose par l’utilisation des ressources comme des armes de rétentions ou de sanctions avec des objectifs géopolitiques à long terme. L’arrêt de l’exportation du gaz et du pétrole russes vers le marché européen et/ou l’arrêt de son importation par ce marché a boulversé les équilibres énergétique dans le monde.
Ainsi l’utilisation de l’énergie en tant que positionnement géostratégique, a introduit des changement d’alliances qu’on pensait bien ancrées, à titre d’exemple les « décisions de « OPEP Plus » et le passage de l’Arabie saoudite d’un allié stratégique attaché à la politique américaine à un allié temporaire de la Russie.
De même cette révolution dans les relations internationales a créé un bouleversement dans les équilibres des échanges et du commerce du gaz eau sein même des pays de l’Alliance atlantique (OTAN) : les États-Unis, première source de gaz liquéfié (LGN) devient un fournisseur à ses alliés mais au prix du marché (à la hausse de façon vertigineuse) ce qui établit entre les alliés une sorte de méfiance avec des regards dirigés vers la concurrence industrielle. L’Amérique vend cette énergie aux «prix du marché» mondial et les industries européennes ne sont donc plus en mesure de concurrencer les industries américaines, sans parler des industries chinoises ou indiennes qui achètent leur énergie à la Russie à des prix préférentiels (30% de moins que le prix mondial).
Mais également les yeux des Européens sont rivés vers le thermomètre à l’approche de l’hiver: la chaleur de ses villes et campagnes dépendent désormais du LGN américain.
Ce qui se passe sur le vieux continent a commencé avec l’élargissement de l’OTAN puis le Brexit, ce qui fait ressembler la scène européenne aux « guerres du XIXe siècle » qui avaient redessiner les alliances ce qui ne serait pas exclu, mais il n’est pas sûr que cela se produise « avant ou après » une guerre totale!
Une guerre totale pa »s nécessairement dans les tranchés mais dans les domaines industriels. Car cette guerre a poussé les pays industrialisés vers une compétition multi-directionnelle : alors que certains détracteurs du « soutien illimité » à l’Ukraine voient que ce soutien profite en premier lieu aux industries de défense américaines, qui ont « vidé leurs entrepôts » d’armes anciennes et s’apprêtent à répondre aux demandes des pays européens de l’ex-bloque soviétique, qui se sont également débarrassés de ce qu’il leur reste des socks d’armes soviétiques en les fourguant à l’armée ukrainienne.
Washington n’hésite pas à vider la « politique européenne de défense » de son contenu en appuyant un groupe d’États au sein de l’Union européenne (la peur de la Russie est compréhensible) en poussant ces pays à s’éloigner de l’axe de la coopération industrielle, et d’allouer ses ressources pour se provisionner auprès des industries militaires américaines.
Certains membres de l’Union européenne, notamment les pays d’Europe centrale menés par l’Allemagne et indirectement la Pologne, ont annulé des contrats de coopération avec la France, l’Italie et l’Espagne pour produire des chasseurs et des véhicules blindés européens.
Mais cette guerre a aussi des répercussions sur l’industrie de défense russe. Poutine a « découvert » que son armée est un « ours en papier » et est loin d’être classée comme une superpuissance, et qu’elle est organiquement liée aux industries occidentales en termes de technologie, comme les puces électronique, les microprocesseurs et un certain nombre de nano technologie avancés . En l’absence d’une « coopération chinoise » explicite et étendue pour fournir des technologies de pointe, la Russie met en œuvre la même stratégie que celle sur laquelle l’industrie de l’armement s’était basée pendant la Seconde Guerre mondiale : accepter la question du retard technologique et mettre le paquet sur les industries de haute technologie, tout comme Staline l’a fait pendant la Deuxième guerre mondiale, lorsque la Grande-Bretagne et l’Amérique ont hésité à lui fournir des armes avancées à cette époque. La Russie est scientifiquement capable de ce développement et dispose de capacités humaines, mais elle a besoin de temps. Cela peut expliquer la transformation des combats du front en «combats de tranchées » et la fortification de Kherson pour en faire un « Stalingrad » et attendre le « général d’hiver », allié éternel de la Russie.