La vaccination des réfugiés dans le monde tarde à venir
Au Moyen-Orient la Jordanie et le Liban les seuls pays qui ont inclus les réfugiés dans leurs programmes de vaccination. En Israël la demande palestinienne d’entrée de vaccins était « en cours d’examen »!
Au Moyen-Orient, la question de la vaccination des réfugiés est particulièrement préoccupante. Alors que le taux de vaccination des populations de la région est très faible à ce jour – seulement 1 % d’entre elles ont reçu la première dose de vaccin contre le coronavirus, a affirmé lundi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) –, les réfugiés craignent de devoir passer après et d’attendre de longues semaines avant d’être pris en charge.
« À ma connaissance, il n’y a que la Jordanie et le Liban qui jusqu’à présent ont inclus les réfugiés dans leurs programmes de vaccination. Il faut encore voir ce que les Turcs vont faire avec les 3,6 millions de réfugiés syriens », commente pour L’Orient-Le Jour Joelle M. Abi-Rached, chercheuse en histoire de la médecine et chercheuse invitée à l’École normale supérieure. Ayant lancé son programme de vaccination le 13 février, le Liban a annoncé qu’il vaccinerait les réfugiés palestiniens et syriens en même temps que le reste de la population, même si aucune disposition concrète n’a été communiquée concernant les opérations de vaccination de ces populations. Le nombre total de doses commandées jusqu’à présent devrait couvrir environ la moitié de la population libanaise, composée de plus de 6 millions de personnes dont au moins un million de réfugiés syriens. Inclure les réfugiés dans la campagne de vaccination revêt une énorme importance au regard de leurs conditions de vie. « Les réfugiés sont une population vulnérable qui a tendance à contracter plus fréquemment les maladies infectieuses (et cela est le cas avec le Covid-19) tout simplement parce que cette population vit dans des zones surpeuplées et dans de mauvaises conditions d’hygiène, affirme Joelle M. Abi-Rached. En outre, cette population a tendance à être en mauvaise santé avec des maladies chroniques qui sont liées à une mortalité et morbidité plus élevées avec le nouveau coronavirus. » La Turquie a également fait savoir que les réfugiés feront partie de sa campagne de vaccination. Mais au-delà de cette promesse, aucune information supplémentaire n’a été donnée. « Sur la base de l’approche inclusive que la Turquie a garantie à ce jour, le HCR a reçu des informations selon lesquelles certains réfugiés seront inclus dans le programme de vaccination du pays lorsqu’ils relèvent des groupes prioritaires visés, selon les phases de déploiement, note à L’Orient-Le Jour Selin Unal, porte-parole du HCR en Turquie. Le HCR est en contact avec les autorités nationales pour voir comment il peut soutenir le processus. » Dans de nombreux pays de la région, l’accès des réfugiés et des demandeurs d’asile aux vaccins n’est toujours pas clair, commente pour sa part Rula Amin, porte-parole du bureau régional du HCR pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Dans certains cas, notamment en Libye, il existe un risque réel que les réfugiés n’aient de facto pas accès aux vaccinations et les échanges sur ces questions se poursuivent », explique-t-elle.
La Jordanie a été « le premier pays au monde à inclure des réfugiés dans sa campagne nationale de vaccination contre le Covid-19 », selon le porte-parole de l’antenne jordanienne des Nations unies pour les réfugiés. Depuis la confirmation du premier cas du virus parmi les réfugiés en septembre 2020, environ 1 930 personnes vivant dans des camps ont été testées positives au virus, selon le HCR. La Jordanie a vacciné le premier réfugié, une Irakienne vivant à Irbid, dans le nord-ouest du pays, dans les trois jours ayant suivi le début de sa campagne de vaccination, le 13 janvier dernier. Le pays, dont les réfugiés comptent pour environ 10 % de la population, abrite près de 1,3 million de Syriens ainsi que de nombreux réfugiés irakiens et palestiniens. « Sauvegarder la santé et le bien-être des réfugiés » est « une responsabilité mondiale », avait déclaré le roi Abdallah II de Jordanie à la fin du mois de janvier.
Si les Nations unies soutiennent les pays qui accueillent des réfugiés par différents biais, en leur fournissant des supports logistiques et équipements de protection personnelle pour lutter contre la pandémie, l’achat de vaccins reste la prérogative des gouvernements. Or leurs niveaux de richesse et de stabilité politique sont particulièrement inégaux. « Dans la région, l’inégalité est frappante, mais pas surprenante. Israël a payé le double du prix de la dose du vaccin Pfizer/BioNTech pour s’en accaparer en premier. Les pays du Golfe sont parmi les pays les plus riches au monde et donc n’auront pas de problème à payer les vaccins. Le seul obstacle aujourd’hui, c’est acquérir les doses suffisantes avant que les variants dangereux du coronavirus n’échappent à la vaccination, ce qui est d’ailleurs le cas pour le variant sud-africain », ajoute Joelle M. Abi-Rached.
À l’échelle de la région, mais également du monde, Israël dispose de la plus forte proportion de population vaccinée. Près d’un quart de sa population résidente a reçu deux doses complètes du vaccin. Mais de nombreuses associations reprochent aux autorités de ne pas prendre en compte les Palestiniens dans la campagne de vaccination. L’État hébreu, qui vaccine les Palestiniens de la partie orientale de Jérusalem, annexée en 1967, avait indiqué fin janvier son intention de fournir 5 000 doses de vaccin aux Palestiniens vivant dans la bande de Gaza et en Cisjordanie occupée. Un nombre jugé insuffisant par les autorités palestiniennes. Mercredi dernier, un premier lot de vaccins contre le coronavirus est arrivé dans la bande de Gaza. « Deux mille doses du vaccin russe Spoutnik sont arrivées (à Gaza) en provenance du ministère de la Santé à Ramallah », ont déclaré les autorités du Hamas dans un communiqué. La veille, le mouvement palestinien, au pouvoir dans la bande de Gaza, avait accusé l’État hébreu de bloquer l’entrée de vaccins contre le coronavirus dans l’enclave sous blocus israélien, dénonçant un « crime » en « violation du droit international ». Les autorités israéliennes avaient fait savoir que la demande palestinienne d’entrée de vaccins était « en cours d’examen » et attendait « une décision politique ». Près de 54 000 infections, dont 538 morts, ont été enregistrées depuis le début de la pandémie à Gaza.
(L’Orient le Jour)