Le RN capitalise sur deux décennies d’erreurs

Pourquoi les résultats des élections en France …firent un choc

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Le Président français (site de l’Elysée)

Bassam Tayara

Les résultats des élections en France …firent un choc ?
Ceux qui sautillent sur les écrans et les pages des médias pour dénoncer le score du Rassemblement national (RN) qui a obtenu, au premier tour, la majorité des voix, comme aux élections européennes, ces analystes et hommes politiques sont soit aveugles, ou bien ils sont endormis et se sont réveillés au bord de l’abîme. Celui qui se dit surpris ment à lui-même.
Marine Le Pen, leader du Rassemblement, a atteint à deux reprises le second tour des élections présidentielles en 2017 et 2022, ce qui lui a permis d’obtenir des millions de voix pour rivaliser avec Emmanuel Macron. Après, certains s’étonnent de la hausse du nombre de voix des partisans de l’extrême droite lors des dernières élections!
Alors il faut se demander pourquoi cette « popularité » qui s’est accumulée au fil des années, dont le moment d’en récolter les fruits est déjà présent?
Lorsque les raisons sont connus, l’étonnement disparaît ! Autrement dit, il est temps de revenir à terre, et réaliser que ce qui se passe n’est pas un cauchemar dans une nuit noire, mais plutôt une réalité résultant d’erreurs accumulées pendant plus de deux décennies, aggravées par l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence.
Avant d’aborder la responsabilité incontestable de Macron, faisons un saut de deux décennies en arrière et le début d’une pratique politique detestable qui va à l’encontre de la démocratie. Pour rappel : le référendum de 2005 sur la « Constitution de l’Union européenne ».
Le référendum français sur le traité établissant une constitution pour l’Europe, le Traité de Rome, a eu lieu le 29 mai 2005.
La question posée aux électeurs était : « Êtes-vous d’accord avec le projet de loi autorisant la ratification du Traité établissant une Constitution pour l’Europe ? ».
Pour Jacques Chirac, il a semblé nécessaire que les citoyens français s’expriment directement sur ce projet qui affecterait directement leur existence.
Le résultat a été le « rejet » par 54,68% des voix.
La réponse négative au référendum n’a pas déterminé le sort du traité. Bien au contraire ! Un nouveau traité fut créé (le Traité de Lisbonne), qui reprenait l’essentiel du traité refusé par les peuples (7 pays avaient refusé) et fut mis en œuvre par le biais d’amendements administratifs, donc sans revenir aux peuples européens.

C’est à partir de là que commence à s’accumuler les méfiances à l’égard de la politique, et la popularité du « Front national » (FN), l’ancien nom du parti de Le Pen, qui n’avait pas cessé de souligner que l’Europe imposait des décisions qui ne tiennent pas compte des pratiques démocratiques et la critique de l’Union européenne est devenu son fond de commerce.

Emmanuel Macron est venu incarner avec une force sans précédent cette dichotomie.

1) Macron a été élu en 2017 et a battu Le Pen, et son arrivée a représenté au début un « choc positif » : un jeune homme d’une quarantaine d’années, étranger au sérail politique, que beaucoup pensaient capable de moderniser la France.
Dans le sillage de son entrée à l’Elysée, les élections législatives lui ont donné une écrasante majorité de 351 députés, les gaullistes (LR) ont obtenu 112 députés, le Parti socialiste (PS) n’a obtenu que 30 sièges, la « France insoumise » (LFI) 17 élus, le Parti communiste français 11, et le Parti national (FN) de Marine Le Pen ne compta que 8 représentants.

Le peuple français lui a donné la liberté absolue de faire passer le pays au stade de la modernité.

2) Une majorité écrasante, mais ce fut dans le contexte de la présidentielle, la plupart des représentants ont été élus non pas parce qu’ils étaient connus dans leurs régions, mais parce qu’ils portaient le slogan de la « Majorité présidentielle », c’est-à-dire le nouveau jeune président, et la plupart d’entre eux ont été choisis via… des formulaires en ligne.

Le jeune président, lui a échappé le fait que la France est un État « féodal politiquement », dans chaque fief c’est une compétition entre deux personnalités traditionnelles ou deux partis opposés représentés par deux personnalités, et entre eux parfois des alternances. Bien qu’il n’y ait pas d’« héritage politique » sauf dans des cas rares, l’héritage existe politiquement. Ce sont les féodaux politiques que le général de Gaulle a critiqués et qualifiés de « mangeurs de fromage ».

Par contre les députés nouvellement élus en 2017, étaient étrangers aux enjeux et aux besoins de la région qu’ils étaient censés représenter, et nombre d’entre eux venaient de … la capitale. Ils ne sentaient pas le pouls des régions. Cela constituait une rupture entre l’Élysée et les fin fond de la France.

3) Macron a voulu pousser la France vers la modernité en mettant en œuvre des programmes purement capitalistes. C’est normal, car il travaillait dans une banque et ses relations avec la classe supérieure étaient bonnes : il a supprimé l’impôt sur la fortune (ISF) au motif que les capitaux contribueraient à une relance économique. Une nouvelle taxe a été imposée sur… le logement et les maisons, pourtant les statistiques du ministère des Finances, géré par Macron avant la présidence, indiquent que 58% des Français possèdent un toit, et donc cette taxe a touché les classes moyennes et populaires.

4) Les réformes décidées par Macron ont amené les classes populaires dans les rues et sur les places. Tout le monde se souvient de la révolution des « gilets jaunes ». Macron n’a pas reculé, car il avait la majorité et pouvait faire voter toutes les lois qu’il voulait, mais dans son désir d’absorber le ressentiment, il a organisé des groupes de réunions « populaires »… Il a pris un stylo et du papier et a commencé à noter pour apaiser les objections des orateurs du peuple. Mais aucune de ces observations n’a été prise en compte.

5) L’un des facteurs qui a éloigné Macron d’une grande partie des classes moyennes et populaires est la « logique de son language» : il parle en utilisant des expressions littéraires que l’on voit rarement dans les journaux, ce qui a suscité de nombreuses moqueries sur son style. Il parle une langue qui n’est pas comprise par les classes populaires et moyennes qui sont le moteur de la France à travers l’histoire… et les révolutions.
La fissure entre lui et le peuple s’élargissait.
Il a également des réflexions qu’on dirait « irréfléchies »! la plus célèbres qui le hante jour et nuit, le président montre la rue à un chômeur lui a dit : « traverse la rue tu trouves un travail. »
6) Macron a cherché à moderniser la France, mais beaucoup des lois qu’il a imposés n’étaient pas compatibles avec de nombreux Français, notamment dans les campagnes : par exemple, le retrait des et bureaux de service public dans les zones reculées (centres postaux, services des impôts, etc.) sur la base d’économie et de la réduction de la masse des fonctionnaires.
Ce sont des politiques de droite.
Mais la conséquence des écoles ont fermé après la baisse du nombre d’élèves dans certains villages en raison du manque de services et du déménagement des familles vers les villes. De quoi constituer un cercle vicieux… Les régions se vidèrent de leurs habitants, qui constituaient une dynamique sociale, ne laissant dans les villages que les personnes âgées.
Il y a en France 35 000 centenaires, et le nombre de personnes de plus de 65 ans est de 15 millions de citoyens, c’est-à-dire ceux qui quittent le cercle du travail pour retourner dans leur région (l’immigration rurale s’est arrêtée en 2007 et s’est inversée pour de nombreuses raisons qui sont pas abordé ici, mais il suffit de souligner que la population rurale a augmenté de 9 %). Cependant, l’absence des services dans les campagnes s’accompagne d’une « migration des médecins », obligeant ainsi les personnes âgées à parcourir de grandes distances pour se faire soigner et avoir un suivi médical.
7) Les solutions créées par les équipes de Macron sont des solutions cohérentes avec l’image du président : modernité et technologie. La disparition des services publics dans les campagnes, il suffit de recourir à… Internet ! Internet pour remplir les dossiers fiscaux et toutes les transactions… Les équipes qui constituent l’entourage du président semble bien loin des préoccupations des ruraux et la capacité des personnes âgées à gérer Internet.
Par ailleurs, Macron a promis de généraliser la 4G et la 5G sur le territoire français, ce qui est loin de’être réalisé (la diffusion internet est en retard par rapport à ses voisins): la couverture en France est de 56,6%, et elle occupe la vingtième place du classement des Etats membres de l’Union européenne et un certain nombre de pays « du sud » font mieux que la France. Bien entendu, la faible répartition des signaux Internet se situe à la campagne. Le plus belle idée est venue du conseil pour répondre aux déserts médicaux: internet et utiliser la technologie pour combler la pénurie médicale dans les campagnes… à condition qu’il y ait une couverture Internet.
8) La baisse du pouvoir d’achat de larges couches de la population qui se comparent avec la capitale et les grandes villes, où les classes instruites, les intellectuels et même les artistes vivent loin de la difficulté de la vie quotidienne des Français ordinaires. C’est la classe renforcée par Macron et son entourage. Cette classe profite de la manne économique qui ne se répartit pas: il n’y a pas eu le « ruissellement » promis par Macron en gâtant les riches.
Voilà quelques-unes des erreurs qui ont accompagné le premier mandat de Macron. Mais Macron n’a pas payé le prix de ces erreurs lors de la dernière élection présidentielle de 2022, car son adversaire au second tour était Marine Le Pen, et le dicton « Mettez une chaise pour rivaliser avec Le Pen et la chaise gagne » a joué en son faveur.
Mais lors de ces élections législatives, des éléments ont changé. Les résultats ont reflété les erreurs de Macron : le parti du président n’a reçu que 250 députés, avec ses alliés, soit une « majorité relative » ; LFI et ses alliés 151, 89 pour le parti de Le Pen et 62 pour le Parti de la République; les territoires d’outre-mer et des indépendants 47 députés.
L’alarme avait sonné.
Ces élections ont lié les mains de Macron et, au lieu d’assouplir sa politique, il a décidé d’aller plus loin et d’approuver ce qu’il considérait comme nécessaire pour la France. Ne disposant pas de majorité, il a eu recours à un article de la Constitution qui lui permet d’adopter ces lois sans vote au Parlement, seul opposition le dépôt d’une motion de confiance envers le gouvernement (art. 49.3), et la Première ministre Elizabeth Bourne en a abusé … elle l’a utilisé 20 fois en passant entres les gouttes: la confiance ne lui fit jamais défaut.
Pourquoi, puisque les oppositions réunies pouvaient faire tomber le gouvernement, pourquoi cela n’a-t-il pas eu lieu ?
La réponse est que l’extrême droite (RN) et la droite gaulliste (LR) ont refusé de suivre la tendance de défiance de la « France insoumise» et de ses alliés (NUPES), car ces lois véhiculaient une « philosophie de droite ».
Macron a remarqué qu’une vague de droite déferlait sur la France et, au lieu de corriger sa politique, il a été plus loin, essayant de rattraper la droite. Les exemples sont nombreux, économiques et sociaux :
– Prolonger la période de travail avant d’atteindre l’âge de la retraite jusqu’à l’âge de 66 ans. C’est une revendication purement droitière que portent tous les partis de droite. Cette loi a provoqué la gauche et la droite l’a applaudie. Macron est un capitaliste de droite, tandis que Le Pen est un populiste de droite, et le résultat est le même, même si les méthodes sont différentes.
– L’extrême droite dénonce la vague migratoire? Le gouvernement Macron a promulgué une loi qui limite fortement la possibilité de régulariser le statut des migrants et des réfugiés.
– L’extrême droite souligne le danger de l’extrémisme islamique, le gouvernement Macron a promulgué une loi pour lutter contre « l’isolement de l’Islam dans sa communauté ». Elle a été nommée « loi anti-séparatisme » comme si la communauté musulmane de France voulait faire sécession, et c’est un nom qui va loin dans la philosophie de l’extrême droite, qui ne cesse de parler du choc des civilisations et le fort pourcentage de Français issus de la communauté musulmane.
Cela n’a pas suffi à restaurer la popularité de Macron, car le citoyen français est « fortement politisé » et ne se laisse pas prendre au jeu de la concurrence avec l’extrême droite. Il préfère l’original à l’imitation, et c’est ce que mettent en évidence les résultats de l’élection.
Le premier tour des élections a fait du parti d’extrême droite la première force politique … en attendant les résultats du second tour pour arriver au Parlement, et cohabiter avec Macron partager le pouvoir avec lui.

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