L’évolution du Parti démocrate à l’égard du conflit israélo-palestinien
Un mouvement progressiste de gauche a un rôle de plus en plus important le mérite en revient à Bernie Sanders.
Bassam Tayara
Les récents affrontements entre Palestiniens et Israéliens ont révélé l’ampleur de l’évolution à l’intérieur du Parti démocrate à l’égard du conflit israélo-palestinien ces dernières années.
Les sondages et les observateurs disent que le changement est « radical mais désordonné ».
La sympathie des jeunes générations d’Américain avec les Palestiniens est palpable, avec un décalage manifeste avec leur ainés, l’écart d’âge est devenu assez clair au sein du Parti démocrate.
Alors que le président américain Joe Biden s’est contenté au début du conflit récent d’exprimer des vues traditionnelles en insistant à plusieurs reprises sur « le droit d’Israël à se défendre contre les missiles du Hamas », il constate que l’atmosphère partisane qui l’entoure exprime au moins son inquiétude quant aux conditions de vie des Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, et que « la politique israélienne ajoutent à leurs misères ».
Le Congrès, est l’institution la plus représentative du climat politique américain, pour tâter le pouls de l’évolution des politiques du Parti démocrate sur la Palestine et Israël.
La politique étrangère américaine au Proche-Orient a souvent été dominée par des vues sympathiques d’Israël en raison des votes de l’électorat juif (une grande base pour le Parti démocrate) ou de l’Église évangélique (une base parallèle au Parti républicain).
La diversité des origines des sénateurs a été accrue au sein du Congrès américain la dernière décennie, elle a eu des conséquences visibles sur l’attitude américaine envers Israël. Et en 2021, le pourcentage de Noirs, Latinos, Asiatiques et Amérindiens dans les deux chambres du Congrès était de 23%, selon une étude de la « Pew Foundation », et il y a seulement deux décennies, ce nombre était de 11%, alors qu’elle ne dépassait pas les 1% en 1945.
Cette diversité de milieux a conduit à une plus grande diversité de perspectives et de points de vue et à une fragmentation des positions.
Cela est surtout évident dans le groupe de femmes libérales membres du Congrès qu’on désigne par «l’équipe», parmi lesquelles l’américano-palestinienne Rashida Talib du Michigan et la réfugiée somalienne Ilhan Omar du Minnesota. Mais la plus visible parmi elles c’est Alexandria Ocasio-Cortez, de l’État de New York, qui a remporté le siège après l’éviction de Joe Croalee, un membre influent du Congrès démocrate qui avait longtemps soutenu Israël dans ses affrontements précédents dans les territoires occupés.
Dans l’ensemble, Ocasio-Cortez, 31 ans, d’origine portoricaine, est plus représentatif du parti et de sa base électorale que Corwali, qui a 59 ans.
Il est manifeste qu’il existe une base de population non blanche, en particulier parmi les démocrates, et ils sont très sensibles à ce que subissent les autres sociétés « non blanches ».
Ils considèrent Israël comme l’agresseur », a déclaré le sondeur John Zogby à la BBC. Il a ajouté que ces sociétés non blanches ne savent rien de l’histoire d’Israël et de ses tribulations de l’Histoire. « Ils savent ce qui s’est passé depuis le soulèvement, les diverses guerres, les bombardements disproportionnés et les civils innocents qui ont été tués ».
Et si le mouvement progressiste de gauche a un rôle de plus en plus important dans le parti démocrate, le mérite en revient à un homme, le social-démocrate Bernie Sanders.
Bernie le juif a grandi au tout début de sa carrière politique en Israël et y a vécu quelque temps dans les années 60, et portait une sympathie à la politique israélienne en général.
Mais quand il a mené la bataille pour l’élection présidentielle pour la première fois en 2016, il a exprimé un plus grand soutien aux préoccupations palestiniennes, ce qui a provoqué une rupture entre lui et l’humeur générale au sein du Parti démocrate.
Lors du débat avec Hillary Clinton en mars 2016, qui a coïncidé avec les violences entre le Hamas et Israël, Sanders a parlé franchement des souffrances des Palestiniens, des taux de chômage élevés, des «conditions de logement sordides, de la santé médiocre et du manque d’éducation».
Un éditorial du Guardian de l’époque, a indiqué que ce discours enfreignait une « règle solide » selon laquelle parler de la souffrance palestinienne était une cause perdue pour les politiciens cherchant à obtenir de hautes fonctions.
Bien sûr, Sanders a perdu la course, mais la popularité des idées qu’il a proposées a ouvert la porte à de jeunes et obscurs démocrates pour en débattre, tout comme ils l’ont fait sur d’autres questions progressistes, telles que l’assurance maladie, l’enseignement universitaire gratuit, l’augmentation du salaire minimum et la réforme environnementale.
Sanders a condamné le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en le qualifiant de « tyran désespéré et raciste ». Dans un article d’opinion dans le New York Times la semaine dernière il n’a pas hésité à attaquer Netanyahu, ce qui n’est plus une opinion marginale au sein du Parti démocrate.
Sanders a conclu son article en saluant la montée en puissance d’une «nouvelle génération d’activistes» aux États-Unis. Il a fait allusion aux mouvements populaires américains et écrit « Nous avons vu des militants dans les rues américaines l’été dernier, après le meurtre de George Floyd. Nous les voyons en Israël, et nous les voyons dans les territoires palestiniens. »
La dernière ligne de son article était une allusion claire du « Black Lives matter » disant: «La vie des Palestiniens compte». Sanders fait référence aux affrontements entre les forces israéliennes et les Palestiniens au cours des deux dernières semaines.
La représentante Corey Bush, une député de Saint Louis et une ancienne infirmière, s’est levé à la Chambre et a déclaré: «Saint Louis m’a envoyé ici pour sauver des vies». Et elle a poursuivi: « Cela signifie que nous nous opposons à l’utilisation de notre argent pour soutenir la police armée, l’occupation et les régimes de répression violente. Nous sommes contre la guerre, contre l’occupation et contre l’apartheid. »
Cette discussion s’est transformée en demandes croissantes de couper l’aide militaire américaine à Israël, ou du moins de faire allusion à cela, de faire pression sur Netanyahu pour qu’il abandonne sa politique répressive dans les territoires occupés. Et la campagne « Couper le soutien à la police » aux États-Unis est devenue une campagne parallèle au niveau de la politique étrangère intitulée : «Coupez le soutien à l’armée israélienne».