Un Monde à deux étages
La Mondialisation est venue effacer toute différence entre droite libérale et gauche sociale
Bassam Tayara
Je trouve très rigolos d’entendre parler de … gauche et droite en politique et surtout en économie!
Penser qu’il y a toujours une différence entre des courants politiques qui se réclament de droite ou de gauche n’a plus aucun sens. Penser que cette désignation divise les pays entre progressistes de gauche et libéraux de droite est aussi ridicule.
Partout dans le monde … il n’y a que la Droite avec un « D » majuscule, et tous les pays suivent le chemin du libéralisme économique.
On ouvre n’importe quel livre de sciences politiques nous avons ce genre de définitions: sont considérées comme étant caractéristiques de la droite les valeurs suivantes : liberté, hiérarchie, ordre, sécurité, tradition, conservatisme, et sont considérées comme étant de gauche : l’égalité, la solidarité, et le progressisme et le changement social. La gauche cherche à produire une société plus égalitaire mais la droite le prétend aussi!
Dans chaque pays il y a un mélange de toutes ces valeurs qu’il soit gouverné par la gauche ou par la droite, qu’il soit pro-occidental ou pro-zone Sud!
Dans le domaine des relations entre pays : tous défendent une vision réaliste des relations internationales et portent une approche pragmatique, mettant l’accent sur les intérêts dits nationaux, et prônant une politique étrangère qui favorise leurs intérêts plutôt que des idéaux universels.
La mondialisation est venue effacer toute différence qui aurait pu exciter entre telle droite libérale et telle gauche sociale!
Est-ce qu’on peut dire que la Russie de Poutine est de gauche? Ou bien peut on affirmer que la Chine de Xi, malgré le qualificatif ’«populaire », est une république de gauche? Les États-Unis avec les bourses de New York et Chicago et Nasdaq et l’héritage de «Bretton wood » et les tentatives de « Medicare » est-ce un pays de droite libéral? La France, l’Allemagne et tous les pays de l’Union européenne sont-ils de droite ou de gauche?
Allons plus loin quel pays arabe, quel pays africain, peut-on signifier qu’il est de gauche sociale ou de droite libérale? L’Inde du Mahatma Grandi gouverné par Narendra Modi, désignée comme la plus grande démocratie avec 1400 millions applique t-elle toujours des politiques de gauche sociales ou bien de droite libérale guidées par les 200 milliardaires?
Et on peut se poser ce genre de questions en faisant le tour du monde: l’Arabie saoudite, les pays du Golfe et l’Iran, le Maroc, l’Algérie le Sénégal, Djibouti sont ils des pays de gauche sociale ou de droite libérale ?
Il faut l’annoncer tout haut: il n’y a plus ni gauche sociale ni droite libérale tous sont sous le parapluie du libéralisme économique.La recherche de l’égalité sociale et économique est prônée part ces « deux courants » coiffés par le libéralisme, et sont dictées sur les tablette de la mondialisation: plus de profits.
Plus de profits mais pour qui ? Pour répondre jetons un coup d’œil sur la structure de ce monde post-mondialisation, on trouve qu’il est scindé en deux catégories: ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas.
– « Pouvoir » dans toutes ses variantes: puissance militaire, financière, économique, intellectuelle, en innovation, en prévision, en consommation, etc… et même écologique!
– «Faiblesse » une impuissance dans toutes ses variantes : faiblesse militaire, faillite financière, délabrement économique, retard dans les acquis de connaissance, sans capacité de prévision, faible consommation et effondrement écologique.
Deux « étages » et cette division existe également à l’intérieur des États … et même à l’intérieur de toutes les cellules sociales.
Deux catégories- pour ne pas dire deux mondes- mais ils sont mobiles un État peut passer d’un statut d’impuissance à un statut de force et vice-versa. Grattez votre mémoire ça s’est vu: l’Argentine, l’Afrique du Sud, l’Urss etc… dans un sens la Turquie, la Russie, la Corée du Sud, l’Arabie Saoudite etc… L’Allemagne avait fait deux aller-retours entre 1914 et 1945!.
Donc on est d’accord que gauche et droite se confondent sous les cieux de la mondialisation du libéralisme.
Est-ce cela que prédisait Francis Fukuyama dans son fameux « La fin de l’histoire et le dernier homme » ? Quand il parle de date de péremption de notre Histoire voulait-il viser la gauche sociale ou la droite libérale ? Il désignait la fin du communisme.
Mais il s’est trompé, en regardant la chute du Mur et la dislocation du bloc de l’Est il a lié le phénomène à la démocratie et au libéralisme économique. Pour Fukuyama la fin de l’Histoire signifiait la suprématie absolue et définitive de l’idéal de la démocratie libérale, lequel constituerait l’horizon de la marche de l’Histoire, donc cela constituait pour lui le point final de l’évolution idéologique de l’humanité et son balancement entre libéralisme et autoritarisme: cela n’a plus lieu d’être le libéralisme a gagné, et il se teint des deux couleurs droite et gauche!
Ce que Fukuyama n’a pas prédit c’est que la victoire des démocraties fut le terreau de la globalisation et l’ouverture des marchés devant les « marchands » …les puissants. Les marchandises et produits de consommations et technologies et services déferlèrent à travers toutes les frontières. Les puissants ramassèrent et les faibles subirent dans un schéma qui rappelle fortement le 18ème siècle et l’épanouissement du colonialisme.
La géopolitique et les relations internationales ne sont que les marqueurs de ce partage entre fort et faible.
D’aucun va dire entre « Nord » et « Sud global »! Cela est faut géographiquement – cela n’a pas besoin d’être démontré les grandes puissances économiques sont également au Sud- et pratiquement rien ne différencie les actions « post-post-coloniales » de la Chine ou de la Russie ou même de l’Inde des actions « néo-conservateurs » de l’Occident.
Et les autres? Les faibles ? États comme populations doivent peiner pour survivre leurs seules forces -relatives- c’est que leurs existences sont nécessaires pour alimenter les machines de consommations… et de guerres. Ces mouvements de survie existe également à l’intérieur des pays apparentés puissants!
Ces faibles vont aller à la recherche de la dignité, ils la trouvent dans le nationalisme et les exigence identitaire. Fukuyama s’est réveillé la-dessus il a sorti un livre dont le titre résume ce noeud de l’histoire : « Identity: Contemporary Identity Politics and the Struggle for Recognition » qu’on peut traduire par « Identité : les politiques identitaires contemporaines et la lutte pour la reconnaissance » (2018).
Dans ce livre Fukuyama aborde les thèmes qui se sont dressés avec cette division du monde et des sociétés et ont contribué à consolider les deux étages: la nation, la religion, les sectes, les races, les ethnies, le genre.
Ce sont les thèmes qui ont pris le pas sur les principes d’égalité inclusive et solidarité. Les murs qui se sont dressés entres les puissants et les faibles, les questions des développements et de politique internationale furent au coeur de cette réflexion.
Nous, facilement en s’appuyant sur ces études on peut constater que les sentiments anti-immigrés en hausse dans presque tous les pays sont les résultantes de cette coupure entre puissants et faibles. De même, et de façon directe, les sentiments de la suprématie blanche qui se diffusent consolident l’étanchéité entre puissants et faibles.
Cette séparation entre ces deux groupes fait le lit d’une révolte des faibles cherchant à trouver l’architecte de ce monde post-post-colonial à deux étages. Le coupable ne peut qu’être le libéralisme économique débridé, cette forme de la fin de l’Histoire qu’a cru dessiner Fukuyama.
Dans son dernier livre « Liberalism and ils Discontents » qu’on peut traduire par « Le Libéralisme et ses mécontentements » (2022), il dresse le tableau qui fait que ce libéralisme économique partagé « par Poutine comme par Trump » et utilisé par tous les autocratiques et démocraties a échoué à cause de la persistance de ce double étage sur cette terre.
Les faibles qui sont les plus nombreux en tant qu’État et en tant que population chercheront incessamment à renverser les puissants du post-post-colonialisme. Ils auront à portée de mains toutes les « marchandises » vendues par les puissants surtout les armes et les réseaux sociaux, ils les utiliseront en pensant à la parole de Lénine concernant « la corde qu’il voulait acheter chez les impérialistes… pour les pendre avec ! »